Mandy Lerouge

Musiques du monde

France

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« La Madrugada » de Mandy Lerouge : l’envol d’une voix

Chanteuse autodidacte ayant grandi dans les Hautes-Alpes, Mandy Lerouge apprivoise
le monde de la musique depuis une bonne dizaine d’années, au fil d’aventures qui la
mènent du jazz à la musique classique en passant par le trip-hop, sans oublier une
formation d’ingénieur du son et une expérience de journaliste. En 2014, un premier
voyage en Argentine lui fait découvrir la culture de ses campagnes du nord et elle
tombe amoureuse autant de ses musiques que des expéditions à cheval avec les
Gauchos qui parcourent la région en surveillant leurs troupeaux – Mandy est cavalière
depuis son plus son jeune âge.
Désormais basée à Marseille, elle a mûri son projet et l’a nourri de rencontres avec
plusieurs figures de la musique argentine : Chango Spasiuk, Raúl Barboza, Melingo...
Puis début 2020, elle retourne dans ces contrées et, telle une digne héritière d’Alan
Lomax, collecte ce qui deviendra le répertoire de ce premier album si personnel et en
même temps si accrocheur... Plusieurs fées se sont penchées sur son berceau : Vincent
Segal qui en a effectué la réalisation en « encourageant les prises sans casque et la
proximité des musiciens », Gérard de Haro qui a organisé son studio-écrin de La
Buissonne pour s’adapter à cette configuration « live » rare (« je n’ai vu ça que deux
ou trois fois dans ma vie ! »), et bien sûr les musiciens ; le pianiste argentin Lalo Zanelli
au jeu sensuel qui a aussi signé les arrangements, son compatriote le percussionniste
Javier Estrella tout en flamboyance retenue, le contrebassiste colombien Felipe Nicholls
architecte discret, et en prime une apparition intense du complice Melingo.
Non seulement Mandy Lerouge a réussi son pari, mais elle nous donne aussi une leçon
d’intelligence culturelle. Dans cet enregistrement quasi télépathique où l’élégance
mélodique des ballades semble rythmée par le trot des chevaux et les cœurs qui
s’emballent, elle transcende avec sa voix magnétique ces danses de tradition orale (le
chamamé, la chacarera, la zamba et un zeste de tango canaille). Enfant du métissage –
son père est malgache et sa mère française –, elle s’approprie ces musiques populaires
qui sont elles-mêmes métissées et les fait s’épanouir dans une nouvelle hybridation, une
musique de chambre d’aujourd’hui où le jazz et même le rock ne sont jamais très loin.
Trans-culturalité ? Effet salutaire de la globalisation ? Tout cela à la fois certainement
mais en n’oubliant pas le principal : cette « madrugada » qui signifie « l’aurore » doit
aussi se lire comme la métaphore de l’envol d’une grande voix.
- Pascal Bussy

Actus

Album - La Madrugada (2020)